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François Mazet, 1850 - Déclarer sa flamme

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François Mazet

En résumé

Nous sommes en 1849 au Guet, lieu-dit d'une vingtaine de maisons de Saint-Avit, commune du Puy-de-Dôme. Anne Géronnet est courtisée depuis quelques temps par François Mazet, jeune homme de 24 ans vivant à Lavergne, village voisin à un kilomètre et demi environ. Avenant, robuste et plutôt bel homme, elle n'est pas insensible à ses charmes, mais tantôt maçon, tantôt sabotier, il gagne modestement sa vie et Anne Géronnet est en quête de confort. Elle s'est tout de même résolue à l'épouser, faute de mieux.

Les préparatifs vont bon train, François Mazet a déjà déboursé quinze francs, quand soudain, un meilleur parti se manifeste. Michel Mallet, habitant du Guet et propriétaire d'une belle maison, demande à son tour Anne Géronnet en mariage. Elle accepte aussitôt et désormais promise à un homme plus à l'aise, fait parvenir, un brin narquoise, quinze francs comme si de rien n'était à son ancien fiancé. Humilié, François Mazet sombre alors dans une colère noire...

Crime de François Mazet

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Durant les mois suivants, Michel Mallet et Anne Géronnet ne sont pas tranquilles. François Mazet rôde, et plus le mariage se rapproche, plus il se fait menaçant. Quelques jours avant la cérémonie, invités à dîner, les deux tourtereaux sont victimes de jets de pierres sur le chemin du retour. Caché dans la nuit, l'agresseur n'est pas reconnaissable, mais personne n'est dupe. Si aucune blessure grave n'en découle, la perspective de l'étape suivante est une source d'angoisse.

Le message est clair, François Mazet veut obtenir de Michel Mallet l'abandon du mariage, mais Michel Mallet ne cédant pas, François Mazet veut désormais pousser Anne Géronnet vers la sortie. Pour ce faire, il projette de détruire la maison de Michel Mallet, le privant ainsi de son principal attrait. Devant agir vite, il lui faut un complice, il fait donc part de son plan à Annet Gorce, lui aussi floué autrefois par Anne Géronnet. Annet Gorce refuse cependant de l'aider, l'obligeant à renoncer.

Le 11 février 1850, Michel Mallet épouse finalement Anne Géronnet. Les habitants du Guet espèrent désormais un retour au calme, chacun ayant mal vécu l'ambiance pesante de ces derniers mois. Mais à défaut d'avoir pu empêcher ce mariage, François Mazet veut désormais l'anéantir.

Le 19 mars au soir, il se rend au Guet à proximité de la maison des désormais époux Mallet. Une fois les jeunes mariés couchés, vers 21h30, il met le feu à la maison, comptant sur la toiture recouverte de chaume pour s'embraser rapidement, puis retourne chez lui au pas de course. Une fois son domicile regagné, la plupart des maisons étant des chaumières et le vent soufflant terriblement, tout Le Guet est en feu. L'incendie sort du lit les habitants des environs, chacun s'empressant d'aller aider, y compris François Mazet, feignant de se réveiller lorsque le sieur Lardy vient le chercher pour prêter main forte. Il le suit mais uniquement afin d'être vu parmi les bonnes âmes, disparaissant ensuite à la première occasion, sans avoir aidé personne. Vers 22h30, en l'espace d'une heure seulement, les familles ont tout perdu: maisons, provisions et mobilier. Rien n'était assuré, ici ce n'est pas l'usage. Aucun mort n'est à déplorer mais il s'en est fallu de peu.

Durant les jours suivants, l'incendie est sur toutes les lèvres dans les communes alentours. Son foyer étant la demeure des époux Mallet, et rien n'expliquant un tel embrasement, François Mazet, dont le contentieux avec les jeunes mariés est bien connu, est largement suspecté de l'avoir provoqué. Il se fait alors évanescent, dormant ici et là, jamais chez lui, puis décide de prendre la fuite, se sachant à la veille d'être arrêté.

Commence alors pour les autorités une longue chasse à l'homme. Lancés à sa poursuite, les gendarmes n'arrivent pas à retrouver sa trace. Son signalement est transmis aux gendarmeries voisines et même au-delà, sans résultat. Si François Mazet n'est pas un fin criminel, il a en tout cas l'instinct et les réflexes du fugitif. Il se fait discret, utilise des faux noms et ne reste jamais longtemps au même endroit.

Il est finalement localisé le 20 mars 1851 par la gendarmerie de Montbrison dans le département de la Loire à une centaine de kilomètres de Saint-Avit. Un an presque jour pour jour après l'incendie. S'il parvient dans un premier temps à échapper aux gendarmes venus l'interpeller, ils finissent par lui mettre la main dessus, dans une maison close, caché entre deux matelas surmontés d'une femme de soixante-dix ans dont le corps décrépi devait les décourager de fouiller la chambre, mettant ainsi un terme rocambolesque à cette cavale.

Procès de François Mazet

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Le procès s'ouvre le 20 novembre 1851.

François Mazet clame son innocence avec un aplomb surprenant, semblant croire, dur comme fer, sourire à l'appui, dans sa capacité à obtenir un acquittement.

Mais ce sourire s'étiole un peu plus à chaque témoin...

Madeleine Combat, habitante du Guet de soixante ans, a croisé François Mazet à Saint-Avit le 10 février 1850, veille du mariage. Se réjouissant de la fin imminente des hostilités durant leur conversation, la célébration du mariage devant enterrer la hache de guerre, elle a finalement déchanté, François Mazet lui garantissant la fin imminente de ce mariage.

Un aubergiste dont l'établissement est proche du Guet rapporte une conversation avec deux voyageurs arrivés le soir de l'incendie. Chemin faisant, ils ont vu un homme plutôt grand mettre le feu à une maison et prendre la fuite.

Anne Géronnet, désormais Mallet, confirme avoir été avertie des menaces pesant sur elle, notamment par des habitants de Giat, commune où François Mazet a de nombreux amis. Avertissements auxquels s'ajoutent les jets de pierres et autres mauvais coups dont le coupable était à l'évidence François Mazet. Elle a malgré tout sous-estimé le danger représenté par son ancien fiancé.

Annet Gorce, vingt-six ans, confie le projet de destruction de la maison auquel François Mazet a tenté de l'associer avec insistance. Faute de pouvoir le convaincre, il a ensuite voulu l'associer à un autre projet: estropier le "nabot", son surnom pour Michel Mallet.

Le maire de Saint-Avit a vu François Mazet le lendemain de l'incendie, à la mairie. Il était venu demander un passeport, se préparant à l'évidence à prendre la fuite. Après en avoir discuté avec le juge de paix, il a été décidé de ne pas lui délivrer le document.

Divers témoins rapportent aussi des déclarations de François Mazet se réjouissant suite à l'incendie, s'exclamant par exemple "Ah ! Ce chien de nabot, ça l'a bien sorti de dessous sa couverture !".

Deux témoins à décharge sont finalement entendus mais leurs témoignages ne sont aucun cas crédibles. Accusés de faux témoignages, ils reconnaissent finalement avoir tout inventé.

Si personne n'a clairement vu François Mazet mettre le feu à la maison des époux Mallet, et si aucune preuve matérielle ne le lie au crime, sa culpabilité est malgré tout patente. En conséquence, il est reconnu coupable et condamné à vingt ans de travaux forcés.

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Publié par Jean-Charles Pouzet sur Caedes le 20-07-2024

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