Caserio, l'assassin du Président Sadi Carnot, 1894
Nous sommes le 24 juin 1894 à Lyon, au parc de la tête d'or, siège de l'exposition universelle, aujourd'hui visitée par le Président de la République, Sadi Carnot.
Ce déplacement présidentiel est sous haute tension. Sadi Carnot est pourchassé par les anarchistes depuis son refus de gracier plusieurs d'entre-eux condamnés à mort, notamment Auguste Vaillant, guillotiné en février pour un attentat à la bombe à la chambre des députés ayant fait une cinquantaine de blessés. L'explosion n'ayant miraculeusement tué personne, les anarchistes voient l'exécution de Vaillant comme une injustice se devant d'être vengée.
Néanmoins, Sadi Carnot n'entend pas se laisser intimider, ses déplacements sont donc maintenus, non sans audace dans le cas présent, Lyon étant l'un des hauts-lieux de l'anarchie...
L'attentat contre Sadi Carnot
Après l'exposition universelle, Sadi Carnot se rend à un banquet puis à la préfecture afin de se préparer pour une représentation d'Andromaque au Grand-Théâtre par la Comédie-Française, en compagnie du maire de Lyon. Il devait s'y rendre à pied mais sécurité oblige, une voiture est avancée.
Vers 21h15, le cortège présidentiel s'engage rue de la République où les lyonnais saluent le Président. Sadi Carnot ordonne à un cavalier de sa garde rapprochée de s'écarter afin de les saluer à son tour. Grave erreur. Un forcené en profite pour se faufiler et le poignarder. Le Président s'effondre en marmonnant "Je suis blessé !" devant son assaillant en pleine danse de la victoire, hurlant "Vive la révolution ! Vive l'anarchie !". Violemment maîtrisé par la foule, il sera livré à la police avec le visage ensanglanté et plusieurs dents cassées.
La voiture présidentielle regagne la préfecture et des hommes partent au galop mander les meilleurs chirurgiens. Lui-même médecin, le maire de Lyon s'efforce de maintenir le Président en vie. De retour à la préfecture, un véritable congrès de chirurgie se met en place, où se presse le gratin médical de Lyon. Le président est finalement opéré par le professeur Antonin Poncet assisté de deux autres sommités, mais le trio s'avère impuissant, touché au foie et à la veine porte, il est en pleine hémorragie interne. Sadi Carnot meurt vers 0h40. Il avait 56 ans, son mandat s'achevait en décembre, et il ne comptait pas en briguer un deuxième, voulant désormais se consacrer à la science et à sa famille.
Sante Geronimo Caserio
Le procès s'ouvre le 2 août 1894.
L'assassin de Sadi Carnot est un boulanger de vingt ans, Sante Geronimo Caserio, anarchiste italien en France depuis l'année précédente. Persuadé d'avoir accompli un exploit, il est fier de cet attentat, perpétré avec un poignard rouge et noir, couleurs de l'anarchie, provenant d'une coutellerie à Sète où il résidait.
Condamné à mort le 3 août, Caserio est exécuté le 16 août par Louis Deibler, le bourreau de la célèbre Georgette Thomas.
Les funérailles de Sadi Carnot
Sadi Carnot était un président discret, sans gouaille ni charisme. On ne lui connaît pas de grand discours, de formule ou répartie géniale, ni même de maîtresse, fidèle à son épouse. L'histoire n'a donc pas fait grand cas de ce président sans relief, malgré des faits notables: sa neutralité religieuse, l'alliance franco-russe ou la préservation d'institutions pourtant cernées par les boulangistes et autres anarchistes. Exerçant une véritable influence en dépit du rôle secondaire du Président sous la IIIe République, il a même imposé sa priorité en usant de symboles: améliorer le sort des plus modestes. L'Arbre de Noël de l'Élysée est parmi d'autres sa création en 1889, évènement alors largement relayé où 500 enfants pauvres furent conviés à un repas de Noël suivi d'un spectacle et de cadeaux ; l'image très forte de ces enfants misérables en pleine parenthèse enchantée a ouvert la voie aux députés porteurs de lois sociales. En ont notamment résultés les HBM, ancêtres des HLM, l'inspection du travail ou l'abolition du livret d'ouvrier... et pour Sardi Carnot, une popularité atteignant des sommets. Ses funérailles furent un évènement grandiose rassemblant près de deux millions de personnes, comme Victor Hugo neuf ans plus tôt, et comme personne ensuite.
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Sources de l'article
- Noël 1889: Madame Carnot invite les enfants à l'Elysée (Le Figaro)
- L'assassinat du président Sadi Carnot, une menace pour la fragile IIIème République (Radio Classique)
- Présidence de Sadi Carnot (Wikipédia)
- Assassinat de Sadi Carnot (Wikipédia)
- Funérailles de Sadi Carnot (Wikipédia)
- Premier ensemble de logements HBM de France, La Ruche (Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis)
- VAILLANT Auguste (Maitron)
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Publié par Jean-Charles Pouzet sur Caedes le 17-02-2025