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La Croix de Migné, 1826

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La Croix de Migné

En résumé

Nous sommes le 17 décembre 1826 à Migné-Auxances, ou Migné, commune de la Vienne de 1800 habitants environ.

L'église de Migné est en pleine effervescence à l'occasion du jubilé universel. Les paroissiens sont réunis afin de planter une croix de huit mètres de haut derrière l'église afin de célébrer le jubilé, un acte symbolique rendu possible par la générosité d'un châtelain local, M. Dupont-Minoret.

Vers 16h30, entre 2000 et 3000 personnes sont ainsi rassemblées, aux paroissiens s'ajoutent des fidèles de paroisses environnantes, notamment La Jarrie, Quinçay, Cissé, Avanton et Chasseneuil. Une fois la croix plantée, vers 16h45, le curé monte sur le calvaire et prend la parole, commence alors le récit de la conversion de l'empereur Constantin au catholicisme grâce à une croix miraculeuse. D'abord attentif, au bout d'un quart d'heure, l'auditoire semble de plus en plus distrait...

L'apparition de la Croix de Migné

Vers 17h, attirés par une lueur céleste, les fidèles lèvent les yeux et voient une immense croix lumineuse couchée dans les airs à une cinquantaine de mètres du sol. Une croix parfaitement formée, immobile, d'un blanc argentin nuancé d'une légère teinte de rose. Elle mesure environ une quarantaine de mètres de long et un mètre de large.

La plupart des gens se mettent à prier, avec ferveur, certains en ont même les larmes aux yeux et beaucoup se prosternent. "C'est un miracle !", "Vive Jésus ! Vive sa croix !" peut-on entendre. Cette ferveur touche même les incroyants les plus endurcis, nombre d'entre eux, restés chez eux, accourent et demandent à être entendus en confession ; déjà dépassé par les évènements, le prêtre ne peut leur consacrer du temps mais il leur promet de les entendre le lendemain.

Au bout d'une demi-heure environ, la croix commence à s'effacer, d'abord par le pied, laissant peu à peu le crépuscule reprendre ses droits.

Le jour suivant, dès l'aube, ils sont déjà une quarantaine à attendre devant l'église. Des croix ont par ailleurs été plantées dans les jardins durant la nuit, les premières d'une longue série, et les courriers vont bientôt commencer à affluer, car l'affaire retentit déjà bien au-delà de Migné.

Alerté par courrier le 22 décembre, l'évêque de Poitiers, Monseigneur de Bouillé, nomme le 16 janvier 1827 une commission d'enquête composée de trois prêtres, assistés de laïcs à l'esprit retors, notamment Jean-Pierre Boisgiraud, physicien dont la foi protestante promet une enquête à charge rudement menée. La presse ne tardera pas à donner une envergure nationale à la "Croix de Migné", y compris la presse anticléricale, et l'évêque en est bien conscient, la commission se devra donc d'être irréprochable.

Ils arrivent à Migné le 21 janvier. Prévenus, les habitants se sont rassemblés pour les accueillir, presque les assaillir. Les hommes de l'évêque ne s'attendaient pas à une tel engouement, même les enfants se pressent autour d'eux pour leur raconter le soir du 17 décembre.

Ils se mettent aussitôt au travail, auditionnant une grande variété de témoins. Et tous, notables ou non, tous métiers confondus, livrent le même témoignage. La variété des témoins n'est d'ailleurs pas le fruit du hasard, s'il s'était agi d'un phénomène naturel, les paysans l'auraient identifié comme tel, tout comme les artisans auraient démasqué le mécanisme d'une supercherie.

Trouver des incrédules s'avère impossible. Une rumeur en désigne bien deux, le chef de la gendarmerie et un juge, mais auditionnés, tous deux dénoncent vertement cette rumeur.

Si aucun témoin ne contredit l'apparition de la croix, la science et l'enquête de terrain le pourront peut-être. Mais le professeur Boisgiraud a beau étudier le lieu de l'apparition et les données météorologiques, il ne trouve aucune explication rationnelle. Halos, nuage, parhélies, parasélènes, traînée lumineuse d'une étoile filante, aurore boréale… rien ne peut correspondre. Ainsi, comme il l'écrira plus tard dans une lettre "Quoique mon amour-propre eût été plus flatté si j'avais pu donner une explication du phénomène, je convins avec franchise que je n'en connaissais point.".

Le 9 février 1827, la commission d'enquête livre donc un rapport favorable à la thèse du miracle. Monseigneur de Bouillé transmet aussitôt le rapport au pape Léon XII.

Toutefois, en l'absence de preuve irréfutable, le pape ne peut proclamer un miracle, mais il ne fait pas mystère de son opinion, déclarant dans le bref pontifical du 18 août 1827: "le prodige de Migné ne peut être attribué à des causes purement naturelles". Il accorde de surcroît une indulgence de cent jours à tous ceux allant prier au pied de la croix plantée par les habitants de Migné, et fait don à l'église de Migné d'une croix d'or renfermant une relique de la vraie croix de Jésus-Christ.

Les présages de l'abbé Souffrant et soeur Élisabeth

L'Abbé Souffrant, curé de Maumusson, avait prédit l'apparition de cette croix sept ans plus tôt, en 1819. Et il n'est pas le seul religieux à se distinguer.

Jeanne-Élisabeth Bichier des Âges, dite soeur Élisabeth, fondatrice des Filles de la Croix, voit dans la Croix de Migné un mauvais présage. De passage à Migné en 1827, elle déclare: "Si elle eût été debout, j'aurais auguré des jours de prospérité pour l'Église et de gloire pour la Croix. Mais elle était couchée. C'est une marque que la religion va subir de nouvelles épreuves et que les croix seront renversées.".

Moins de quatre ans après l'apparition de la Croix de Migné, la révolution de Juillet en 1830 semble lui donner raison, les croix étant alors abattues, même les croix des clochers car ornées de fleurs de lis.

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Publié par Jean-Charles Pouzet sur Caedes le 30-08-2024

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