Jean-Baptiste Troppmann, Le Massacre de Pantin, 1869
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En résumé
- Année: 1869
- Commune: Bollwiller / Paris / Pantin
- Département: Haut-Rhin / Paris / Seine-Saint-Denis
- Arme: Poison / Arme blanche / À mains nues
- Sexe: Homme
- Tueur en série: Oui
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Nous sommes en 1869 à Roubaix, où Jean-Baptiste Troppmann, alsacien de vingt ans, est en déplacement professionnel, supervisant l'installation de systèmes pour machines-outil conçus par son père, inventeur brillant dépositaire de nombreux brevets, à la tête d'une société florissante. Un bel avenir lui est ainsi assuré, mais trop modeste à son goût.
L'esprit embrouillé par ses lectures à sensation et sa mère l'ayant pourri-gâté toute son enfance, en assumant pleinement de le préférer à ses frères, Jean-Baptiste Troppmann se croit destiné à la grandeur. Étant même obsédé par cette croyance, sa vie pourtant confortable ne lui semble pas à sa hauteur, comme avant lui Delphine Delamare, la vraie Madame Bovary, mais avec un facteur aggravant hérité cette fois de son père: l'alcool. Boire nourrit la démesure de ses attentes et le rend prêt à tout pour les concrétiser. Et il boit beaucoup...
Crime de Jean-Baptiste Troppmann
À Roubaix, Jean-Baptiste Troppmann fait la connaissance de Jean Kinck, industriel d'une quarantaine d'années, lui aussi ambitieux et dont la réussite parti de rien le fait rêver. Simple ouvrier dans sa jeunesse, il est désormais un patron aisé. Et coïncidence incroyable, il est lui aussi alsacien. Faits pour s'entendre, les deux hommes sympathisent malgré l'écart d'âge, Troppmann rencontre même la famille Kinck, et peu à peu, ils commencent à parler affaires.
Jean-Baptiste Troppmann devant prochainement repartir en Alsace, Jean Kinck lui demande de lui trouver une propriété là-bas, prévoyant de s'y réinstaller à sa retraite. Il promet aussi d'investir dans son entreprise naissante, le jeune homme réunissant des fonds pour exploiter à son compte les brevets paternels à l'étranger. Rendez-vous est donc pris en Alsace, Kinck aura avec lui 5500 francs pour financer les premières échéances.
Le jour J, Troppmann accueille Kinck à la gare avec une nouvelle étonnante, il a dégoté un moyen de gagner une fortune: un atelier de faux-monnayeurs caché dans la montagne d'Uffholtz, et propose de lui faire visiter l'atelier. Ils prennent donc la direction de la montagne. Arrivés au niveau des ruines du château de Herrenfluh, les deux hommes font une pause. Kinck boit alors un peu d'eau dans la gourde tendue par Troppmann, et s'effondre, foudroyé.
L'histoire des brevets était un leurre pour l'attirer en Alsace avec une grosse somme d'argent et la fausse-monnaie en était un autre pour l'attirer dans la montagne, l'empoisonner et le dépouiller. Seulement voilà, Kinck s'était arrangé pour ne pas avoir les 5500 francs sur lui. Jean-Baptiste Troppmann doit ainsi se contenter de 212 francs et d'une montre en or, trop peu pour refaire sa vie aux États-Unis comme il le voulait. Pour autant, il ne s'avoue pas vaincu, ayant désormais aussi ses papiers et deux chèques attendant d'être encaissés.
Une fois le corps enterré, Troppmann retourne chez lui et écrit à l'épouse de Kinck en se faisant passer pour son mari, un mari blessé à la main, heureusement Troppmann est là pour tenir la plume. Il lui demande de déposer les deux chèques joints au courrier en donnant pour instruction de lui faire parvenir la somme par mandat postal. Madame Kinck s'exécute mais Troppmann se voit refuser par deux fois le retrait du mandat. La première car n'ayant à l'évidence pas l'âge inscrit sur les papiers de Kinck, la deuxième en voulant passer dans la foulée pour Gustave Kinck, son fils aîné de 16 ans, sans preuve de cette identité et sans la procuration de toute façon nécessaire. Après ce nouvel échec, il part pour la capitale puis écrit à nouveau à Madame Kinck. Il lui annonce un bénéfice mirobolant de 500 000 francs en passe d'être réalisé, grâce au talent de Troppmann, ayant toutefois nécessité de partir à Paris sans avoir eu le temps de retirer le mandat. Gustave doit donc se rendre en Alsace pour s'en occuper puis gagner Paris. Il joint au courrier une procuration.
Mais encore une fois, rien ne va se passer comme prévu.
Gustave Kinck part en Alsace en ayant oublié ses papiers. Il arrive donc à Paris les mains vides, accueilli par Troppmann lui faisant aussitôt envoyer un télégramme à sa mère pour la faire venir en urgence avec ses papiers. Troppmann l'entraîne ensuite dans un endroit isolé, le poignarde et enterre son corps.
Pendant ce temps, Madame Kinck s'apprête à prendre le train pour Paris. N'ayant pas le temps de s'organiser, elle emmène ses enfants, à l'exception du plus jeune, encore placé chez une nourrice. À Paris, ils montent avec Troppmann dans un fiacre, direction Pantin, où Jean Kinck loue soi-disant un appartement. Troppmann fait s'arrêter le cocher dans un endroit désert, Madame Kinck ne comprend pas, en plus il fait nuit, elle n'est pas rassurée, mais finit par suivre Troppmann avec ses enfants. Il les entraîne au milieu d'un champ, les assomme à coups de pelle et les tue, certains sont égorgés d'autres étranglés. Après les avoir enterrés en vitesse, il rejoint la voiture, se fait déposer à son hôtel, rassemble ses affaires, et prend la fuite, direction le Havre.
Les jours suivants, la sépulture est découverte par un paysan, commence alors l'affaire du "Massacre de Pantin".
Le lendemain ou le surlendemain, un gendarme du Havre entre dans une auberge près du port. Sa présence dérange à l'évidence un client: Jean-Baptiste Troppmann. Le gendarme lui demande de présenter ses papiers mais il prétend ne pas les avoir. Il dit venir de Roubaix et se nommer Vanderbergue, avec son fort accent alsacien. Un homme suspect, sans papier, près d'un port… tous les ingrédients du criminel en fuite. En plus, il dit venir de Roubaix, comme les victimes du massacre de Pantin. Et si c'était lui ? Le gendarme l'interpelle. Une fois dehors, Jean-Baptiste Troppmann se libère, le distance et se jette à l'eau. Témoin de la scène, un ouvrier du port plonge pour le ramener, les deux hommes s'affrontent, l'ouvrier prend l'ascendant et le ramène à terre, inconscient.
Durant les gestes de premiers secours, des documents sont découverts sous sa chemise, notamment des actes de vente de maisons appartenant à Jean Kinck. En reprenant connaissance, acculé, Troppmann avoue. Il avoue avoir été le complice des véritables tueurs désormais en cavale: Jean Kinck, assisté de son fils Gustave ; son rôle était d'attirer la mère et les enfants dans un piège, lui n'a tué personne.
Et sous la direction du commissaire Antoine Claude, cette version devient l'hypothèse de travail des policiers, même la découverte les jours suivants du corps de Gustave Kinck n'affaiblit pas Jean-Baptiste Troppmann, il retourne aussitôt la situation à son avantage: c'est évident, Jean Kinck s'est débarrassé d'un témoin.
Mais en mettant la main sur les correspondances où il usurpe à l'évidence l'identité de Jean Kinck, les policiers comprennent. Troppmann l'a tué en Alsace, puis son fils Gustave à Paris et le reste de la famille à Pantin. Le témoignage du cocher les ayant conduit à Pantin semble d'ailleurs le confirmer, l'homme ayant décrit Troppmann... et seulement lui. Toutefois, le corps de Jean Kinck, preuve indispensable, demeure introuvable.
Le 12 novembre 1869, six semaines après l'arrestation de Troppmann, le commissaire Antoine Claude décide de le duper. Il lui annonce triomphalement avoir retrouvé le corps de Jean Kinck. C'est faux, mais Troppmann le croit. S'il passe aux aveux, il a une petite chance d'échapper à la guillotine. Alors il avoue tout, y compris l'emplacement du corps de Jean Kinck.
Procès de Jean-Baptiste Troppmann
Le procès s'ouvre le 28 décembre 1869.
Le tribunal est saturé, toute la France parle de l'affaire.
Jean-Baptiste Troppmann ne se fait guère d'illusion, son procès est perdu d'avance. Défendu par un ténor du barreau, Maître Charles Lachaud, il espère au moins éviter la guillotine. Ses espoirs seront vite déçus.
Le 30 décembre 1869, au terme d'un procès éclair, Jean-Baptiste Troppmann est condamné à mort.
Exécution de Jean-Baptiste Troppmann
Le 19 janvier 1870, à 6h30 du matin, Jean-Baptiste Troppmann est réveillé dans sa cellule par trois hommes: le directeur de la prison, le commissaire Antoine Claude, et un prêtre, l'abbé Groze. Il comprend tout de suite, la guillotine l'attend dehors. Comme le veut l'usage, un moment lui ait accordé avec l'abbé Groze pour se confesser. Une fois seul avec l'abbé, il sanglote.
Jean-Baptiste Troppmann semble abattu dans les couloirs de la prison, mais une fois dehors, devant la foule, il se redresse d'un coup. Arrivé devant l'échafaud, nul ne sait comment, il se libère des sangles le contraignant et tente de s'enfuir. Évidemment les adjoints du bourreau l'en empêchent, mais au prix d'une lutte féroce. Ils devront ensuite tous s'y mettre pour l'installer sur la guillotine et le maintenir dessus.
À 7h00 du matin, le couperet s'abat sur un criminel célèbre, dont on parle toujours un siècle et demi plus tard. D'un certain point de vue, Jean-Baptiste Troppmann a finalement eu une vie extraordinaire.
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Sources de l'article
- Le crime de Pantin (Le Petit Journal du 30 septembre 1869)
- 21: dimanche 19 septembre 1869 - la famille Kinck retrouve Troppmann
- Jean-Baptiste Troppmann (L'Histoire par l'image)
- Condamnation et exécution de Jean-Baptiste Troppmann (Criminocorpus)
- Dans la tête des criminels de Paris: Jean-Baptiste Troppmann, le massacreur de Pantin (Télérama)
- Troppmann empoisonne Jean Kinck dans la forêt de Wattwiller (BNF)
- Troppmann assassine Mme Kinck et ses cinq enfants (BNF)
- Arrestation de Troppmann au Havre (BNF)
- Jugement et condamnation de Tropmann (BNF)
- Exécution de Troppmann, le 19 Janvier 1870 (BNF)
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Publié par Jean-Charles Pouzet sur Caedes le 10-04-2025